Basquiat, cet enfant de la diaspora

À la Fondation Louis Vuitton, la légende se révèle. Jean-Michel Basquiat est le fruit d’une identité fragmentée. Fils d’une mère portoricaine et d’un père haïtien, il fait partie de ces artistes qui ont fait de leur négritude un étendard politique.

À travers la peinture, Jean-Michel Basquiat a canonisé les hommes noirs qui ont marqué son enfance. Deux figures reviennent souvent dans ses œuvres : le boxeur et le musicien. Bird avait son saxophone, Joe Louis ses gants et Basquiat son pinceau. Encore aujourd’hui, la musique et le sport sont, en Occident, les seuls domaines où les hommes noirs sont légion. Pour celui qui est né en 1960, soit cinq ans avant l’adoption du Voting Rights Act aux États-Unis, ces hommes ont bravé l’interdit en sublimant leurs domaines respectifs. Plus que la célébrité, c’est la reconnaissance de son travail en tant qu’artiste qui lui a apporté la plus grande des joies. Les couronnes, oui, mais le mérite doit précéder le prestige.

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Obnoxious Liberals (1982)

La figure du Roi présente dans nombre de ses œuvres est en total contraste avec les stéréotypes associés aux hommes noirs que Basquiat veut célébrer. Le Roi est courageux, valeureux, malin et choisi par Dieu lui-même pour diriger. L’homme noir, lui, est perçu comme fainéant, peureux et peu intelligent ; il ne peut être que le fruit d’une malédiction, il a besoin de contrôle. En reprenant les symboles d’une royauté qui dénigra son humanité, Jean-Michel Basquiat s’affirme ici en tant qu’homme, noir et fier. La peinture la plus représentative de ce militantisme assumé est sûrement « Obnoxious Liberals » (1982). Le Samson à la peau noircie s’apprête ici à utiliser sa force une dernière fois afin d’écraser un système capitaliste qui, aux yeux de Basquiat, n’est rien d’autre que de l’exploitation.

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St. Joe Louis Surrounded Snake (1982)

Dans ‘St. Joe Louis Surrounded by Snakes’ (1982), l’artiste exprime ses sentiments quant à la trajectoire de sa carrière. Peut-être se sentait-il surveillé, épié dans un milieu où sa confiance avait été brisée. Dans ses tableaux les plus sombres, on décèle une certaine paranoïa. L’artiste écrit, répète les mêmes mots comme s’il avait peur de ne pas être entendu. ‘Incompris’, voilà peut-être le mot qui définirait le mieux cet ovni qui a révolutionné l’art contemporain. Bien loin des rues miteuses du New York en crise des années 80, il est devenu en quelques années la coqueluche d’une communauté qui, en apparence, n’était pas faite pour lui. Avec le temps, il s’est lassé du monde auquel il avait toujours voulu appartenir.

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Baby Boom (1982)

Que ce soit dans ‘Baby Boom’ (1982) ou ‘Riding with Death’ (1988), les corps dessinés par Basquiat sont courbés, exagérés et fracturés. Ceci n’a rien d’étonnant lorsqu’on connaît le passé de l’artiste. À 7 ans, il reçoit en cadeau le livre d’anatomie ‘Gray’s Anatomy’ après un accident qui le conduit à l’hôpital. Durant sa convalescence, il dévore l’ouvrage qui l’influencera tout au long de sa carrière. En rendant hommage aux griots et en attaquant la suprématie blanche de manière frontale, Basquiat tente de recoller les morceaux et de reconstruire son humanité.

Publié par Yoka Kani

Passionnément congolais

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